On sait que les cellules cancéreuses ont un instinct migratoire, en pouvant quitter leur site d’origine afin de coloniser d'autres parties de l'organisme et en créant des tumeurs dans d’autres organes : les redoutables métastases. Pour ralentir ce mécanisme, les médecins utilisent la chimiothérapie, mais ces traitements ne sont pas toujours efficaces et présentent de nombreux effets secondaires. Les scientifiques essayent ainsi de trouver d’autres moyens d’empêcher les cellules cancéreuses de se déplacer dans l’organisme. La protéine AXL, un récepteur tyrosine kinase présent à la surface des cellules cancéreuses, semble très prometteuse. Elle est capable de capter des signaux provenant de protéines appelées GAS6 et lorsque deux protéines GAS6 s’associent à deux protéines AXL, un signal provoque la migration des cellules cancéreuses d'un organe vers un autre pour y former de nouveaux nodules cancéreux. Les chercheurs de l'Université de Stanford, grâce au génie génétique, ont imaginé une stratégie originale pour empêcher l’interaction entre AXL et GAS6. Ils ont élaboré une version inoffensive d’AXL qui s’associe à GAS6 dans le sang et empêche GAS6 de se lier aux protéines AXL « normales » présentes sur les cellules cancéreuses. Les résultats ont été publiés dans Nature Chemical Biology du mois de septembre dernier. Afin de sélectionner la protéine AXL la plus efficace pour leur hypothèse, les chercheurs ont créé des millions de séquences d’ADN légèrement différentes, chacune codant pour un des variants de la protéine AXL. Ils ont ensuite choisi le variant qui se lierait le mieux à GAS6 en modifiant la protéine pour qu'elle reste longtemps dans le sang et que son interaction avec GAS6 soit irréversible. En utilisant la cristallographie, les scientifiques ont visualisé l’association des protéines AXL et GAS6, afin de retenir la liaison la plus solide entre les deux protéines. Cette protéine AXL obtenue a alors été injectée dans le sang de souris atteintes de cancers du sein ou de l’ovaire. Chez les premières, on a constaté 78 % de nodules métastatiques en moins par rapport aux souris non traitées. Chez les souris avec un cancer de l'ovaire, le nombre de nodules métastatiques a été réduit de 90 % ! La protéine créée agit comme un leurre pour GAS6, qu'elle empêche d’agir. Le signal qui habituellement est émis lors de l'association GAS6 et AXL n'a pas lieu. Selon Amato Giaccia, qui a participé à cette étude, « c’est une thérapie très prometteuse qui semble efficace et non-toxique dans les expériences pré-cliniques. Cela pourrait ouvrir une nouvelle approche au traitement du cancer ».
paru dans Santé Science & Conscience N°1 (février 2015)